Mananjary
Rédigé par λβ / 19 février 2025
Sur la carte, Mananjary est séparée en deux du nord au sud par le Canal de Pangalanes, survolé par deux ou trois ponts et passerelles. Côté Océan Indien, une bande de terre sableuse qui s'étend jusqu'à l'hôtel où j'ai rendez-vous, c'est l'un des derniers, tout au Nord de la ville côtière.
Tout à l'heure, je partirai en direction de Ranomafana, empruntant cette fois la route carrossable, la RN45 à destination de Mananjary, en pays Antambahoaka. Je voudrais filmer la ville du parc national du même nom puis la jolie descente vers Irondro avant d'arriver au croisement de la RN11, cette piste que nous avions remontée l'an passé jusqu'à Mahanoro et Vatomandry.
La végétation luxuriante, la présence de l'eau et des arbres, de la forêt. Jusqu'au croisement à Irondro, les montagnes se découvrent, elles se laissent contempler à chaque détour de la route, vues majestueuses enveloppées de la chaleur de midi. A Irondro, je fais une pause parmi les enfants malicieux qui m'entourent pour me vendre leurs bananes, mangues, fruits découpés en saumure ou dans du vinaigre dans des bouteilles d'eau réutilisées. Deux cafés et de l'eau. Quelques petites bananes, des « Ranjalia ». Il reste soixante kilomètres avant d'arriver à Mananjary. Je me renseigne auprès des gendarmes postés à l'entrée de cette partie de la ville qui s'étend à l'ouest du canal. Il faut filer plein Nord. Quelques temps après avoir téléphoné à mon hôte et m'être engagé sur la piste de sable, Ali, qui m'a invité à séjourner dans son hôtel, vient à ma rencontre sur sa petite Honda.
Au Vahiny Lodge
Ali me fait visiter son charmant hôtel. Plus loin, il y a un embarcadère et quelques bateaux. Tous près de là, un vieil hôtel qu'il a repris dernièrement en vue de le rénover. Nous parcourons le chantier et les aménagements abandonnées depuis longtemps. L'ancienne piscine est vide. Nous visitons ensuite ses plantations dont il attend les premières récoltes sérieuse l'an prochain : café, poivre, cannelle, vanille, sur des hectares. Un projet de vie...
Il est sept heures sous la haute toiture côtière surplombant les fauteuils et les tables basses, les chaise et les tables, tout le mobilier de salon et de restaurant qui se trouve ombragée et sur le passage aménagé d'une brise régulière, entre l'eau turquoise de la piscine et la réception. Le groupe de touristes Québecois est en train de prendre le petit-déjeuner. Tandis que certain prennent encore le café et que les autres s'attardent à discuter devant tasses, cafetières, coupelles et pots, éléments épars de la vaisselle blanc-crème, je prête attention à leur accent Nord-Américain des anciennes colonies françaises qu'un roi un jour vendit ; question de guerres et de dettes... Ce sont de jeunes retraités en voyage, leur voisinage est assez sympathique et je les trouve particulièrement polis avec le personnel, ce qui est un signe manifeste de savoir-vivre.
Ali me propose de partir en bateau tout à l'heure et de remonter jusqu'à l'embouchure de la Mananjary pour assister au retour des pêcheurs. J'accepte volontiers. Il partent vers quatre heures du matin affronter l'Océan Indien qui est dangereux sur cette côte de Madagascar. Je l'observe, très à l'aise avec la « cheffe » du groupe de Canadiens, puis parlant couramment malgache avec les chauffeurs-guides vis-à-vis desquels une certaine complicité semble établie.
Le Canal de Pangalanes
Le vent marin remue les arbustes et les palmes ciselées des cocotiers, les bungalows ocre-orangé bâtis sur un plan de masse ovale ou arrondi sont couverts de feuilles de Ravinala, l'Arbre du Voyageur, me semble t-il. Des nuages flottent dans le ciel troublé de chaleur humide. Mon humeur maussade du réveil à maintenant tout à fait disparu pour laisser place à cette attention à la description de mon environnement. J'ai conscience d'être un vieil ermite ou un sauvage parfois, d'autres fois un rat de bibliothèque sans livres, livré à ses élucubrations giratoires...
Sur le Canal de Pangalanes, Ali me conduit à la rencontre de la rivière et de l'océan, de la mer et des pêcheurs « Antambahoaka », peuple côtier voisin des « Betsimisaraka », au Nord, des « Tanala » dans les terres de l'Ouest et de l'ethnie « Antaimoro » vers Manakara, en descendant plus au sud. On apprend avec quelques recherches qu'ils feraient partie du groupe paléomalgache « Vezo », un peuple de pêcheurs peuplant les côtes du sud de la Grande Ile. Certains mots islamisés ont été conservés dans le vocabulaire du dialecte Antambahaoka, indiquant des origines arabes, datant probablement du Xème au XIIème siècle. Ainsi, dans les coutumes transmises jusqu'à nos jours, l'interdit de la viande de porc, et la consommation de viande provenant de bêtes saignées. La cérémonie la plus connue est ici le « Sambatra », un rituel de circoncision collective qui se déroule tous les sept ans, moment festif pouvant rassembler durant plusieurs semaines jusqu'à cinquante mille personnes sur la plage où nous nous trouvons. Le rouge, couleur interdite en temps normal car réservée aux « Mpanjaka » – les rois – est portée à cette occasion par les jeunes garçons.